Cinéma

Shaka Ponk – The Final Fucked Up Tour : entre transe rock et trop-plein d’égo

Une sortie de scène rugissante… mais imparfaite

The Final Fucked Up Tour, captation du dernier concert de Shaka Ponk à l’Accor Arena, s’annonce comme une déflagration filmée, le chant du cygne d’un groupe qui aura marqué la scène alternative française par son énergie brute et son esthétique hybride. Réalisé par François Charon, habitué des captations scéniques, le film promettait un adieu visuel à la hauteur de l’intensité scénique du groupe. La promesse est en partie tenue, mais laisse aussi derrière elle une série de flottements et d’excès qui interrogent sur la pertinence du format.

Le regard du metteur en scène : entre fidélité et surexposition

François Charon, homme de théâtre, a déjà prouvé sa capacité à filmer le spectacle vivant avec une attention sincère à l’espace et au geste. Ici, il tente de coller au plus près du tumulte Shaka Ponkien : caméras embarquées, plans en plongée, montages éclatés. Mais cette volonté de coller à l’explosion visuelle du concert tourne parfois à la surcharge. Le montage, trop nerveux, coupe la respiration du spectateur, rendant certains morceaux confus, presque illisibles. L’œil n’a pas toujours le temps de se poser, ni de capter l’intensité réelle de la scène.

Une volonté d’adieu théâtralisée jusqu’à l’excès

Le film revendique un dernier tour de piste, une ode terminale à la scène et à la communauté qui l’entoure. Mais à force de vouloir tout montrer, tout concentrer, le propos se dilue. Le concert devient par moments un manifeste surchargé, où le message politique et militant — omniprésent — finit par prendre le pas sur l’élan musical. Shaka Ponk n’a jamais été un groupe tiède, mais cette dernière performance semble parfois écrasée par sa propre mise en scène.

Des performances intenses mais inégales

Sur scène, Samaha Sam déploie une présence indéniable. Sa voix, son charisme, sa gestuelle imposent le respect et rappellent qu’elle a donné une nouvelle couleur au groupe depuis son arrivée. Frah, quant à lui, reste fidèle à sa posture incandescente, mais semble parfois pris dans un jeu d’image plus que de son, comme si le personnage avait pris le pas sur le musicien.

Shaka Ponk – The Final Fucked Up Tour : entre transe rock et trop-plein d’égo

Les musiciens livrent une prestation carrée, sans fausse note, mais le montage audio trahit cette précision : le mixage en salle laisse parfois à désirer, avec des voix noyées, des basses trop présentes ou des transitions sonores abruptes. Pour une captation cinéma, le rendu sonore manque de finesse.

Un film qui divise : entre euphorie et lassitude

Le public de fans y trouvera son compte, sans doute. L’énergie tribale, les visuels projetés, les slogans scandés créent une communion fidèle à l’univers du groupe. Mais pour un spectateur extérieur, le film peut paraître long, répétitif, parfois auto-satisfait. Le propos politique, porté à bout de bras, semble moins pensé que martelé, perdant en densité ce qu’il gagne en volume.

Certains spectateurs parlent d’egotrip, d’autres saluent une « explosion finale ». Le clivage est réel, et dit peut-être quelque chose de cette génération d’artistes qui, après avoir hurlé pendant vingt ans, doit apprendre à disparaître.

À la sortie : des images en tête, mais des réserves aussi

On ne sort pas indemne de ce film. Visuellement, il marque. L’ambiance est dense, les corps vibrent, la sueur est réelle. Mais une fois la fureur passée, on se surprend à questionner le dosage : fallait-il tant d’effets ? tant de slogans ? tant de cris ? Peut-être qu’un peu de silence aurait mieux raconté l’adieu.

The Final Fucked Up Tour n’est ni un simple concert filmé, ni un film de cinéma pur. C’est une créature hybride, flamboyante et imparfaite, à l’image de Shaka Ponk. Et si elle divise, c’est peut-être qu’elle ose. Mais l’audace ne suffit pas toujours à faire œuvre.

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