Hyacinthe de Bernard Mazauric : entre désordre narratif et sincérité brute
Qui est Bernard Mazauric ? Un artisan discret du cinéma français
Bernard Mazauric est un nom peu médiatisé mais bien connu des cercles cinéphiles attentifs à l’envers du décor du cinéma d’auteur français. Ancien accessoiriste pour Truffaut, Losey ou Preminger, puis assistant réalisateur, il s’est formé sur les plateaux avant de s’orienter vers la mise en scène.
Sa filmographie demeure modeste mais rigoureuse, avec des œuvres telles que Chronique indienne ou Irina, projetées et saluées dans divers festivals internationaux, notamment à Cannes et à Athènes. Avec Hyacinthe, Mazauric s’attaque à un projet plus personnel, inspiré de faits réels, où il explore les marges sociales et l’humanité de personnages souvent invisibilisés.
Quelle est l’intention derrière Hyacinthe ?
Dans ce road movie hybride, le réalisateur croise les genres — comédie, drame et polar — sans jamais véritablement choisir son registre. Il semble vouloir capter un échantillon de France en mouvement, où un duo improbable — un petit escroc et un géant handicapé — traverse les paysages aussi bien physiques que moraux d’un pays désorienté.
Le film cherche à souligner la beauté des hasards humains, à raconter une rencontre au-delà des normes, mais se perd parfois dans un traitement désordonné, au risque de diluer son message.
Un casting inégal dominé par deux présences dissemblables
L’affiche réunit Denis Lavant, figure tutélaire du cinéma exigeant, et Patrice Quarteron, ancien champion de boxe thaï, ici dans son premier grand rôle.
- Lavant, dans le rôle de Reda, incarne un personnage burlesque mais désabusé, avec cette intensité sèche qu’on lui connaît depuis Les Amants du Pont-Neuf. Il livre une interprétation solide, maîtrisant son art sans esbroufe.
- Quarteron, en Hyacinthe, impressionne par sa présence physique et sa sincérité, mais son jeu manque parfois de subtilité, sans que cela ne nuise totalement à l’émotion. Sa performance oscille entre authenticité brute et naïveté de composition.
Les seconds rôles, notamment Michel Jonasz et David Ayala, apportent un peu de relief, mais n’évitent pas certains archétypes.
Une mise en scène naturaliste aux limites floues
Mazauric opte pour une photographie sobre, des décors réels et une lumière naturelle qui renforcent l’intention de réalisme documentaire. On sent un attachement sincère à la route, à la province, à la temporalité étirée.
Cependant, cette approche se heurte à un problème de construction : le film enchaîne des séquences disparates, parfois mal rythmées, avec des dialogues qui tombent à plat. La volonté de ne pas trop écrire pour « laisser vivre » les scènes se retourne contre l’ensemble : on perd la ligne directrice.
Une représentation du handicap qui interroge
Le personnage de Hyacinthe, malgré sa centralité, est écrit avec des stéréotypes datés. Le scénario semble hésiter entre candide poétique et figure messianique, sans jamais développer une psychologie convaincante. Cette caricature douce, bien qu’empathique, peine à éviter la condescendance involontaire.
Les critiques ont pointé ce traitement comme problématique, reprochant au film de recycler une imagerie du handicap vue mille fois, sans renouvellement narratif ni regard sociologique.
Quelle émotion reste-t-il en sortant de la salle ?
On ressort de Hyacinthe avec un sentiment mitigé. D’un côté, le film touche parfois juste, grâce à sa volonté de sincérité et quelques moments de grâce entre les personnages. De l’autre, la sensation d’une œuvre mal articulée, trop libre pour être structurée, empêche toute adhésion pleine.
Ce n’est ni un ratage complet, ni une révélation. C’est un film imparfait, qui se cherche plus qu’il ne se trouve.
Conclusion
Hyacinthe n’est pas un film consensuel. Il a le mérite de tenter quelque chose, d’interroger la rencontre de deux solitudes, d’oser un duo inattendu dans une France périphérique.
Mais l’exécution, à la fois désordonnée et trop appliquée, fait vaciller l’équilibre. Entre naturalisme bancal, représentation floue du handicap et désorientation narrative, l’œuvre laisse une trace — mais pas celle qu’elle semble avoir souhaitée.