Cinéma

Natacha (presque) hôtesse de l’air : une comédie d’altitude signée Noémie Saglio

Noémie Saglio, une cinéaste du déséquilibre ordinaire

Depuis ses débuts avec Connasse, princesse des cœurs (2015), Noémie Saglio trace une voie singulière dans le paysage du cinéma français contemporain : celle d’un humour qui oscille entre légèreté et malaise social, entre caricature assumée et tendresse sincère. Elle filme les femmes comme elles sont rarement montrées : désinvoltes, absurdes, mais profondément humaines. Avec Natacha (presque) hôtesse de l’air, elle poursuit cette trajectoire de la comédie douce-amère, où le fantasme d’évasion révèle plus qu’il ne cache.

Un film qui interroge les injonctions modernes

Sous les apparences d’un film d’aventure loufoque inspiré de bande dessinée, Natacha (presque) hôtesse de l’air propose une réflexion déguisée sur les injonctions au bonheur, à la féminité et à la performance sociale. Le scénario, coécrit avec Laurent Turner, joue sur le décalage entre les rêves d’enfance de Natacha et la réalité kafkaïenne d’un monde saturé de normes absurdes. Saglio y injecte ses thématiques de prédilection : la fuite en avant, la peur de l’engagement, et surtout la quête d’émancipation dans un monde qui codifie le féminin à outrance.

Camille Lou, point d’ancrage et moteur comique

Dans le rôle de Natacha, Camille Lou livre une performance vive, pleine de souffle, à la fois burlesque et touchante. Son énergie, déjà remarquée dans J’ai menti ou Les Combattantes, trouve ici un terrain de jeu idéal. Elle incarne cette héroïne à la dérive avec une justesse de ton qui oscille entre autodérision et sincérité maladroite.

Natacha (presque) hôtesse de l’air : une comédie d’altitude signée Noémie Saglio

À ses côtés, Vincent Dedienne, en steward lunaire, compose une partition plus retenue, presque flottante, qui joue en contrepoint parfait avec la vivacité de Lou. Leur duo fonctionne par contraste, et c’est dans cet écart que le film trouve quelques-unes de ses scènes les plus drôles — et parfois les plus tendres.

Parmi les seconds rôles, Elsa Zylberstein et Isabelle Adjani apportent une fantaisie mordante, tandis que Didier Bourdon, en figure paternaliste absurde, fait résonner les automatismes d’un monde dépassé. En voix off, Fabrice Luchini donne au récit une teinte littéraire légèrement moqueuse.

Une mise en scène volontairement légère

Noémie Saglio ne cherche pas l’élégance formelle ni la virtuosité visuelle. Sa mise en scène est épurée, presque télévisuelle, ce qui pourrait en désarçonner certains. Mais cette sobriété, loin d’être un défaut, permet de laisser respirer les dialogues et les acteurs, et d’embrasser la logique fantasque du film. Le montage, rythmé sans être précipité, maintient une cadence fluide, qui sert bien le ton doux-dingue de l’ensemble.

Sort-on grandi ou désabusé ?

En sortant de la salle, c’est un sourire en coin et un léger désenchantement que l’on emporte. Le film ne prétend pas bouleverser, mais il gratte là où ça chatouille : les frustrations larvées, les rêves contrariés, les attentes absurdes. Cette manière très française de mêler comédie légère et mélancolie existentielle est désormais une signature chez Saglio.

Natacha (presque) hôtesse de l’air ne changera pas le paysage du cinéma français, mais il y creuse sa place avec une certaine sincérité. Une œuvre ni anodine, ni mémorable — mais furieusement humaine.

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