Cinéma

Marvel et DC : Cinéma ou Industrie ? L’érosion d’un Modèle

Depuis plus de quinze ans, Marvel Studios a imposé un modèle cinématographique unique, structurant son univers en « phases » et multipliant les interconnexions narratives entre films et séries. En face, DC Comics a tenté d’adopter une stratégie similaire, mais avec des résultats plus mitigés. Pourtant, au-delà du succès commercial, une question persiste : ces films sont-ils réellement du cinéma au sens noble du terme, ou ne sont-ils qu’un produit industriel calibré pour maximiser les revenus ?

Un Modèle Narratif Structuré mais Fragile

Kevin Feige et Marvel Studios ont développé un modèle en trois temps : installation, climax et transition vers un nouvel arc narratif. Ce système, réussi jusqu’à « Avengers: Endgame » (2019), repose sur une logique sérielle proche des comic books, utilisant les cliffhangers et les post-génériques pour garantir une continuité engageante. Cependant, depuis la Phase 4 on assiste à une saturation du modèle : « Eternals » (2021) n’a pas trouvé son public, « Thor: Love and Thunder » (2022) a déçu les amateurs de l’arc mythologique, et « Ant-Man and the Wasp: Quantumania » (2023) n’a pas réussi à installer Kang comme une menace tangible, à l’image d’un Thanos autrefois omniprésent.

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DC, de son côté, a longtemps pâti d’un manque de vision à long terme. Si la trilogie « The Dark Knight » (2005-2012) de Christopher Nolan a marqué l’histoire du cinéma par sa réflexion sur la justice et le chaos, l’univers étendu (DCEU) a ensuite accumulé les revirements stratégiques : la version initiale de Zack Snyder pour « Justice League » (2017) a été dénaturée avant d’être restaurée en 2021.

Une Catégorisation Complexe : Cinéma ou Simple Produit ?

La question de la nature cinématographique de ces films est récurrente. Martin Scorsese a décrit les productions Marvel comme des « parcs d’attractions », insistant sur leur absence de dimension dramatique et d’exploration humaine profonde (Scorsese, 2019). En revanche, d’autres critiques considèrent que ces films exploitent un savoir-faire technique et narratif à part entière, mais s’inscrivent davantage dans le « cinéma de franchise » que dans une réelle démarche artistique individuelle.

L’exemple de « She-Hulk: Attorney at Law » (2022) est éloquent. Conçue comme une série métatexuelle, elle tente une approche décalée en brisant le quatrième mur, mais se heurte à des effets comiques peu convaincants et une absence de consistance narrative. Cette volonté de renouveler le ton se retrouve également dans « WandaVision » (2021), qui proposait une réflexion sur le deuil au sein d’une structure héritée des sitcoms, mais peinait à s’affranchir des exigences d’un final explosif.

Un Modèle en Perte de Vitesse ?

L’après-« Endgame » s’est avéré complexe pour Marvel. Si « Spider-Man: No Way Home » (2021) a démontré la puissance de la nostalgie, d’autres films ont eu un accueil plus contrasté. « The Marvels » (2023) a réalisé le pire démarrage de l’histoire du MCU, témoignant d’un désintérêt croissant du public.

Le cas de « Captain America: Brave New World » (2025) est également significatif. Après plusieurs changements de titre et des reshoots massifs, le film remet le curseur sur les difficultés du studio à renouveler ses figures emblématiques. L’absence de personnages centraux aussi iconiques que Tony Stark ou Steve Rogers pose un véritable défi de renouvellement.

DC, quant à lui, peine à établir une stratégie claire. Le reboot de l’univers sous l’impulsion de James Gunn promet une approche différente, mais « The Flash » (2023) et « Blue Beetle » (2023) ont connu des scores décevants au box-office, soulignant une lassitude du public face aux super-héros.

Conclusion : Une Industrie en Mutation

Si Marvel et DC ont redéfini les standards du blockbuster moderne, ils se trouvent aujourd’hui confrontés à une remise en question de leur modèle. L’intensification du calendrier de sorties et la multiplication des séries associées risquent de diluer l’intérêt du public. Comme le souligne la sociologue Nathalie Heinich, « la répétition des formes finit par éroder leur valeur symbolique » (Heinich, 2004).

Les studios doivent donc repenser leur approche, quitte à renouer avec des récits plus audacieux et des réalisateurs ayant une vision forte. Sans cela, les films de super-héros pourraient perdre leur ancrage dans le paysage cinématographique pour devenir de simples produits de consommation, interchangeables et dénués de véritable impact artistique.

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