Cinéma

Joker : Folie à Deux – Une tentative déroutante, mais insuffisante

Le premier Joker (2019), avec Joaquin Phoenix dans le rôle-titre, a été accueilli comme un événement cinématographique majeur. Son approche psychologique, ancrée dans une réalité sombre et brutale, a attiré l’attention pour son interprétation unique de l’ennemi emblématique de Batman. Le film a réussi à séduire une large partie du public, tout en divisant une frange plus critique. À présent, Joker : Folie à Deux, annoncé comme une comédie musicale avec la participation de Lady Gaga dans le rôle d’Harley Quinn, suscite à nouveau l’expectative, mais les enjeux sont bien différents.

Le contexte du premier Joker : entre audace et absence de charisme

Le premier Joker se déroulait dans un univers détaché des précédents films de l’univers DC, prenant le parti de s’intéresser à la déchéance psychologique d’Arthur Fleck. Il proposait une lecture plus réaliste du personnage, en explorant la maladie mentale et la marginalisation sociale. Un pari audacieux, certes, mais à mes yeux, l’interprétation de Phoenix n’a jamais réellement atteint la hauteur nécessaire pour rivaliser avec ce qu’avait offert Heath Ledger dans The Dark Knight (2008).

Ledger avait incarné un Joker brillant et dangereux, un véritable agent du chaos, transcendant les limites habituelles du méchant de comics. Reprendre le rôle après lui relevait déjà d’une mission presque impossible. Phoenix, malgré un engagement total et une performance intense, n’a pas su conférer au personnage le même charisme ni la même aura d’imprévisibilité. Certes, le film avait ses moments forts, comme sa réflexion sur la violence de la société contemporaine, mais Arthur Fleck n’a jamais eu ce magnétisme que l’on attend du Joker. En fin de compte, le personnage est resté en marge, plus victime que véritable force perturbatrice, et n’a jamais complètement convaincu.

Folie à Deux : un virage risqué vers la comédie musicale

Avec Joker : Folie à Deux, on change encore de ton. L’idée même d’une comédie musicale pour ce genre de personnage laisse perplexe. Annoncé comme une exploration plus intérieure et lyrique de la relation entre Joker et Harley Quinn, le film introduit Lady Gaga, une artiste indéniablement talentueuse, mais dont la présence semble imposer une nouvelle dynamique peu compatible avec l’essence même du personnage du Joker.

Lady Gaga, on le sait, a dû gravir les échelons à force de travail et de persévérance dans une industrie qui souvent accorde souvent plus d’importance au physique qu’au talent. Sa capacité à transcender ces attentes superficielles est admirable. Mais ici, dans Folie à Deux, son influence semble avoir pesé trop lourd sur le film. Sa présence artistique et sa dimension musicale ont transformé cette suite en une œuvre hybride, mélangeant des genres qui s’accordent mal avec ce que l’on attendait d’un récit centré sur le Joker.

Une relation Joker-Harley qui manque de profondeur

gaga harley quinn

Ce qui rend d’autant plus frustrant Joker : Folie à Deux, c’est le traitement de la relation entre Joker et Harley Quinn. Dans la série animée originale, leur relation est complexe, toxique et captivante par sa folie destructrice, révélant un duo où le Joker manipule et Harley tombe dans une spirale de fascination malsaine. Dans ce film, cette dynamique est simplifiée, presque assourdie, pour laisser place à des scènes musicales qui, bien que visuellement intéressantes, semblent déconnectées de l’âme même du personnage.

La profondeur psychologique et l’intensité de cette relation, qui sont au cœur de la fascination pour ce couple dans les comics et les séries animées, sont ici troquées pour des séquences chantées qui n’ajoutent rien de vraiment pertinent au développement des deux personnages. On aurait pu espérer une approche plus nuancée, plus fidèle à l’esprit torturé du Joker, mais le film préfère s’éparpiller dans un format qui laisse sur sa faim.

Quand la forme prime sur le fond

L’autre écueil majeur du film réside dans l’impression constante que la forme prime sur le fond. Certes, la réalisation est soignée, et les séquences musicales sont bien exécutées. Mais elles n’ont pas de véritable résonance émotionnelle, elles apparaissent comme des ajouts esthétiques, déconnectés de ce que le Joker représente. Ce n’est pas simplement la question de la comédie musicale en elle-même – après tout, le mélange des genres peut parfois être innovant –, mais ici, cet ajout semble artificiel et forcé.

Il est impossible de ne pas sentir l’influence de Lady Gaga sur le film, ce qui, en soi, n’est pas problématique, mais cette influence détourne Folie à Deux de son sujet. Plutôt que de creuser dans la psychologie perturbée de ses personnages, le film se disperse dans des élans artistiques qui n’ajoutent finalement rien de substantiel. On pourrait dire que c’est une tentative de moderniser le film, de le rendre plus attractif pour un public élargi, mais le résultat est un cocktail déconcertant qui ne satisfait ni les amateurs de comédies musicales, ni les fans de l’univers sombre du Joker.

Une suite qui laisse peu d’espoir pour l’avenir de la saga

En conclusion, Joker : Folie à Deux est une suite qui se perd dans ses ambitions artistiques, au détriment du développement de ses personnages. La relation entre Joker et Harley, loin de l’intensité que l’on aurait pu attendre, est diluée dans des séquences musicales inutiles. L’introduction de Lady Gaga, bien qu’intéressante sur le papier, finit par écraser le récit sous le poids de sa présence, rendant cette suite plus artificielle que profondément immersive.

Quant à l’avenir de la saga, il semble compromis. Si cette suite devait ouvrir la voie à d’autres films, il serait nécessaire de revenir aux fondamentaux du personnage, d’explorer la complexité de son esprit et de ses relations, plutôt que de chercher à l’orner d’éléments qui n’appartiennent pas à son univers. Car pour le moment, Joker : Folie à Deux n’apporte rien de vraiment nouveau ni de pertinent à l’histoire de ce personnage emblématique.

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