Cinéma

Mithde (2024) d’Amberdeep Singh : un film punjabi sur la transition d’une société rurale

Un réalisateur au service de sa région

Amberdeep Singh, figure incontournable du cinéma punjabi contemporain, signe ici un film à la fois introspectif et engagé. Scénariste, réalisateur et acteur, il poursuit son exploration d’un territoire qu’il connaît bien : le Punjab rural, tiraillé entre traditions persistantes et modernité tentante. Connu pour Angrej, Lahoriye ou encore Laung Laachi, Singh s’est construit une réputation de conteur d’histoires enracinées, où le passé et le présent s’entrechoquent.

Avec Mithde, il ambitionne de traduire la désillusion d’une jeunesse confrontée à l’exode, au rêve canadien, aux silences familiaux. Mais cette ambition se heurte à un scénario qui, malgré sa sincérité, manque de rigueur dramaturgique.

Une distribution prometteuse, mais inégale

Le casting réunit Tania, Roopi Gill, Laksh Duleh, Nirmal Rishi, BN Sharma et Amberdeep Singh lui-même. Parmi eux, Laksh Duleh, jeune visage encore peu exposé, surprend par une interprétation sobre et juste, capable de transmettre les nuances d’un personnage en retrait du tumulte. Son jeu, volontairement minimaliste, tranche avec une direction d’acteurs parfois trop mécanique.

Mithde (2024) d’Amberdeep Singh : un film punjabi sur la transition d’une société rurale
Mithde (2024) d’Amberdeep Singh

Tania et Roopi Gill, bien que charismatiques à l’écran, peinent à incarner des trajectoires émotionnelles cohérentes. Leurs personnages semblent dessinés à gros traits, freinant l’identification. Quant à Amberdeep Singh, son rôle, plus discret qu’à l’accoutumée, manque d’impact dramatique malgré une présence sincère.

Un soin visuel évident, mais un rythme trop étiré

La photographie, confiée à Sukh Kamboj, capte avec justesse la texture visuelle du Punjab rural : champs dorés, ruelles paisibles, visages marqués par l’effort. Il y a là une authenticité picturale indéniable. Mais cette beauté plastique ne suffit pas à masquer un rythme languissant, notamment dans sa deuxième moitié, où les scènes s’étirent sans progression dramatique tangible.

Mithde (2024) d’Amberdeep Singh : un film punjabi sur la transition d’une société rurale
Mithde (2024) d’Amberdeep Singh

Le montage, parfois trop linéaire, laisse peu de place à la surprise ou à la tension. La mise en scène d’Amberdeep Singh reste soignée, mais manque de souffle pour maintenir l’attention sur la durée.

Une bande originale discrète, au service du récit

La musique, sans être omniprésente, accompagne les états d’âme des personnages sans surcharge. On y retrouve les sonorités mélancoliques caractéristiques du cinéma punjabi contemporain, avec des chansons insérées de manière plus narrative qu’esthétique. Loin du registre folklorique, la bande-son s’aligne sur le ton intimiste du film, parfois au détriment de l’émotion.

Des thématiques profondes abordées avec prudence

Mithde évoque les fractures générationnelles, la fuite vers l’Occident, la désillusion des jeunes punjabis face à une société figée. Ces thématiques sont pertinentes, mais leur traitement reste en surface. Là où un cinéma plus incisif aurait fouillé les contradictions, Amberdeep Singh choisit la retenue, quitte à éluder les conflits les plus brûlants.

Mithde (2024) d’Amberdeep Singh : un film punjabi sur la transition d’une société rurale
Mithde (2024) d’Amberdeep Singh

Il y avait matière à une fresque poignante sur l’exil intérieur et la perte de repères. Mais le film préfère une narration contemplative, au risque de laisser le spectateur émotionnellement à distance.

Un film sincère, mais imparfait

En sortant de la salle, on ressent une tendresse pour l’intention, un respect pour le travail d’un cinéaste qui parle de ses racines avec humilité. Mais aussi une frustration, celle d’avoir entrevu un grand film sans qu’il ne s’accomplisse pleinement. Mithde est un film honorable, mais qui laisse l’impression d’un projet sous-exploité, manquant d’un second souffle narratif et d’une direction d’acteurs plus affirmée.

Conclusion : un chant doux, mais un peu trop étouffé

Mithde ne trahit pas l’univers d’Amberdeep Singh. Il prolonge son travail de mémoire et d’observation du Punjab d’aujourd’hui. Mais il aurait gagné à être plus incisif, plus dense, moins sage. Une œuvre qui touchera les spectateurs déjà familiers de son cinéma, mais qui pourra laisser les autres sur le bord du chemin.

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