Cinéma

Analyse critique du film Lads de Julien Menanteau

Julien Menanteau n’est pas encore un nom familier du grand public, mais sa trajectoire mérite déjà l’attention. Passé par le court-métrage, il affine depuis plusieurs années une démarche cinématographique sensible, attentive aux trajectoires à la marge. Avec Lads, il signe un premier long-métrage qui prolonge cette veine réaliste sans pour autant s’enfermer dans le constat social. Le film s’inscrit dans une tradition française du cinéma de l’observation, mais avec une distance poétique, jamais illustratrice.

Une immersion sans lyrisme dans le monde hippique

Le film suit Ethan, 17 ans, qui entre comme apprenti jockey dans une écurie spécialisée dans les courses d’obstacles. Très vite, Menanteau installe un climat d’épreuve silencieuse : Lads ne cherche ni l’héroïsme ni le spectaculaire. Le corps du jeune homme est mis à l’épreuve, physiquement comme symboliquement, dans un environnement rude, où les mots sont rares, et les gestes souvent abrupts.

Ce n’est pas un film sur le monde des chevaux : c’est un film sur ce que le travail fait au corps, sur la formation, la hiérarchie, la solitude. La caméra ne dramatise pas, elle accompagne — au plus près — ce rite de passage.

Interprétations : un casting équilibré, une révélation à souligner

La mise en scène de Julien Menanteau se distingue par sa rigueur : plans fixes, lumière naturelle, décors sans apprêt. Le cinéaste capte l’apprentissage comme une série de micro-épreuves, souvent muettes, où l’endurance importe plus que la réussite. On pense parfois à Bresson pour le refus du spectaculaire, à Brisseau pour la frontalité des regards, ou à des documentaires de Claire Simon pour la justesse des milieux saisis.

Analyse critique du film Lads de Julien Menanteau

Le réel n’est jamais « montré » ; il est là, à hauteur d’humain, traversé par le doute, l’effort, l’usure des jours.

Marco Luraschi incarne Ethan avec une intensité intérieure rare. Son jeu, retenu, presque opaque, donne au personnage une densité silencieuse. Face à lui, les figures adultes — notamment Marc Barbé et Jeanne Balibar — incarnent des relais d’autorité ambigus, ni bourreaux ni mentors, mais figures d’un monde clos, avec ses règles non dites et ses violences implicites.

C’est un film sur les rapports de force, mais traité sans emphase. Le moindre regard, le moindre écart de posture, devient un territoire de tension.

Mise en scène : une économie de moyens au service de la tension

La réalisation de Menanteau se distingue par son approche quasi documentaire. Les séquences au sein de l’écurie et lors des courses sont filmées avec une précision qui traduit la rigueur du milieu hippique.

La caméra, souvent portée au plus près des corps en mouvement, capture la tension palpable des compétitions et la rudesse des entraînements. Cette proximité offre au spectateur une expérience immersive, le plongeant au cœur des enjeux et des émotions d’Ethan.​

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Que retient-on en sortant de la salle ?

On quitte Lads avec le sentiment d’avoir assisté à une lente et âpre métamorphose, sans éclat, sans triomphe. Rien ne cherche à nous séduire, et pourtant tout touche — parce que tout sonne juste. Le film laisse une impression de gravité tranquille, comme si l’on avait vu le passage d’un monde à un autre, celui de l’adolescence à une forme d’endurance adulte, incarnée dans le silence, dans la douleur musculaire, dans le regard d’un cheval que l’on apprend à comprendre.

Analyse critique du film Lads de Julien Menanteau

Ce n’est pas un récit à rebondissements, mais une courbe intérieure, un film qui épouse le rythme du réel, avec ses longues attentes, ses gestes répétés, ses échecs qui ne disent pas leur nom. Ce qui subsiste, c’est une forme de respect : pour ces corps qui travaillent, pour ces solitudes entêtées, et pour la manière dont Julien Menanteau les filme — sans pathos, sans emphase, mais avec une rigueur pudique.

Un premier long qui pose une voix

Julien Menanteau signe ici un premier long-métrage d’une étonnante maturité. À la fois pudique et rigoureux, Lads s’inscrit dans la lignée des films français qui donnent une place centrale à l’apprentissage, au travail, aux gestes répétés plus qu’aux dialogues. Il ne cherche pas l’effet, encore moins la démonstration, mais accompagne un corps en formation, une solitude en devenir, un lien fragile à un monde dur.

On pense, non à des œuvres flamboyantes, mais à un cinéma du réel contenu, celui de Laurent Achard ou de Jean-Pierre Améris à leurs débuts, où l’économie de mots vaut densité, où le cadre n’enferme pas mais révèle. Menanteau filme sans théâtralité, avec une confiance dans l’expérience brute, dans le face-à-face entre l’homme et l’animal, entre l’élève et la hiérarchie.

Un film qui s’impose en douceur, porté par une mise en scène précise, des visages habités, et le sentiment, rare, que quelque chose de vrai s’y joue.

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